Jacques BROM_LFB_Président CFB25

« Face aux défis communs, les solutions émergeront de l’intelligence collective »

Jacques Brom, Directeur Général du LFB, ouvrira et présidera la 9ème édition du Congrès France Bioproduction, qui se tiendra les 19 et 20 mars prochains, au Palais des Congrès de Tours. Cet événement fédérateur, organisé par Polepharma et Medicen Paris Région, gagne en importance chaque année. Son message est résolument centré sur l’innovation et l’accessibilité des patients aux nouvelles thérapies.

Jacques Brom, comment vous présenter en quelques mots ?

Je suis Directeur Général du LFB, diplômé de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Mulhouse, docteur et ingénieur chimiste en chimie organique. J’ai passé une très grande partie de ma vie professionnelle à diriger des sites industriels pour des entreprises étrangères et françaises mondialisées de l’industrie pharmaceutique.

Quelle est la spécificité de votre entreprise ?

Le LFB est un groupe biopharmaceutique qui développe, fabrique et commercialise des médicaments dérivés du plasma et des protéines recombinantes pour la prise en charge des patients atteints de pathologies graves et souvent rares. Fondé en 1994 en France, notre groupe est aujourd’hui un acteur majeur en Europe dans trois domaines thérapeutiques : l’immunologie, l’hémostase et les soins intensifs.
Avec près de 2 900 collaborateurs en France et à l’international, le LFB dispose de quatre sites de bioproduction en France (Alès, Arras, Les Ulis et Lille). Le groupe commercialise une quinzaine de médicaments dans une trentaine de pays, dont le facteur VII activé recombinant commercialisé aux États-Unis et en Europe. Ce médicament est fabriqué par notre filiale LFB BIOMANUFACTURING, sur notre site industriel d’Alès (Gard), qui a le statut de CDMO (Contract Development and Manufacturing Organization), et qui est spécialisé dans la production d’anticorps monoclonaux et de protéines recombinantes. Ce site met à disposition son savoir-faire, ses équipements et ses capacités de production pour des tiers, principalement des start-ups et des biotechs françaises, couvrant le développement de lignées cellulaires, la production, ainsi que le testing de lots cliniques et commerciaux.

Pourquoi avoir choisi de présider le Congrès France Bioproduction cette année ?

Le LFB est un participant régulier de ce congrès majeur en France, dédié à la bioproduction, qui réunit l’ensemble des acteurs de la profession. Nous sommes engagés au sein du comité d’organisation du congrès depuis sa création. Nous avons présidé la première édition, puis avons été Sponsor Gold en 2023, et Platinium en 2024. Il semble donc naturel pour moi de présider cette nouvelle édition 2025 ! Ce congrès marque habituellement le début de la campagne commerciale de notre filiale LFB BIOMANUFACTURING, opérant sur le site industriel d’Alès. Cet événement est également un moment clé pour présenter les innovations technologiques du LFB ainsi que notre plateforme évolutive de développement et de production d’anticorps thérapeutiques.

Pourquoi est-ce un rendez-vous incontournable, selon vous ?

Cet événement permet aux acteurs de se rencontrer, d’échanger et de coconstruire l’avenir de la bioproduction française. En cohérence avec les éditions précédentes, la 9ème édition du Congrès France Bioproduction, les 19 et 20 mars 2025, au Palais des Congrès de Tours, poursuivra cet objectif de rassembler et fédérer l’ensemble des acteurs de la filière de bioproduction. En 2024, la 8ème édition a réuni près de 650 acteurs du secteur pharmaceutique et biopharmaceutique, publics et privés, pour deux jours de conférences, tables rondes, ateliers pratiques et sessions de networking, afin de discuter des enjeux et des besoins futurs de l’écosystème.

Qu’est-ce qui a marqué l’actualité récente du LFB, l’un des leaders en bioproduction ?

Le LFB possède une longue expertise dans le domaine de la bioproduction puisque nous fabriquons depuis plus de 30 ans des médicaments dérivés du plasma qui sont, comme les protéines recombinantes, des médicaments issus du vivant. En tant que pilier de la souveraineté sanitaire française, le LFB est engagé dans une mission de santé publique pour ces médicaments. Parmi ses dernières innovations figure le facteur VII activé recombinant, purifié à Alès et approuvé par la FDA en 2020, ainsi que par l’Agence européenne du médicament. Il est désormais disponible dans plusieurs pays européens.
Le 24 avril dernier, le LFB a dévoilé sa Raison d’Être : « Le LFB, l’expertise engagée au service de la vie ». En tant qu’expert des médicaments dérivés du plasma, le groupe assure un lien essentiel entre les donneurs de sang ou de plasma et les patients. La prochaine étape sera de devenir une entreprise à mission.
Il y a quelques années, le LFB a lancé la construction d’une usine à Arras pour tripler la capacité de production des médicaments dérivés du plasma, avec les premiers lots attendus fin 2024. Dans le même temps, la capacité de collecte de plasma du LFB a été significativement augmenté avec l’acquisition d’Amber Plasma, le 30 mai dernier, une société spécialisée dans la gestion de centres de collecte de plasma en République tchèque. Cette acquisition permet à Europlasma notre filiale européenne de gérer désormais 24 centres de collecte en Europe centrale, contribuant à assurer l’approvisionnement en plasma pour la fabrication des médicaments du LFB.
En parallèle, un investissement de 20 millions d’euros a été lancé pour doubler les capacités de production du site d’Alès. La première pierre de cet agrandissement a été posée le 14 juin 2024. Soutenu par Bpifrance dans le cadre de France 2030, ce projet vise à étendre les capacités technologiques pour soutenir l’innovation biotech, avec l’acquisition de deux bioréacteurs de 2 000 litres à usage unique – dont un est déjà installé, et des équipements spécifiques supplémentaires pour le développement, la production et le contrôle analytique. Le projet prévoit aussi l’agrandissement des surfaces de production, de stockage et des laboratoires pour soutenir la croissance. D’ici 2026, la création d’une cinquantaine d’emplois permettra d’accompagner le doublement des capacités de production du site pour proposer un service optimal aux biotechs et start-ups françaises.

Quels sont les enjeux actuels de la bioproduction, notamment en termes de capacités, durabilité et d’innovation ?

Les enjeux de la bioproduction en France sont soutenus par l’ensemble des organisations, notamment France BioLead. Cette filière, qui regroupe tous les acteurs de la bioproduction de biomédicaments, s’est fixée trois objectifs clés d’ici 2030 : doubler la part des biomédicaments produits en France, faire passer le nombre d’emplois dans le secteur de 10 000 à 20 000, et permettre l’émergence d’au moins une nouvelle licorne ainsi que cinq nouvelles Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) dans la biotech.
Les enjeux capacitaires de la bioproduction ont bénéficié d’un soutien financier par le plan Innovation Santé 2030, notamment avec des Appels à manifestation d’intérêt ou des Appels à projets. Il est également crucial de préparer l’avenir en attirant de nouveaux talents dans la filière et sur nos métiers d’avenir. C’est pour renforcer l’attractivité que France BioLead a lancé une Journée nationale de la Bioproduction et des Biomédicaments avec l’objectif de faire découvrir ce secteur au plus grand nombre.
Le futur de la bioproduction sera également – et nécessairement – durable avec une attention particulière portée à son impact environnemental. Les normes européennes encadrent nos investissements futurs en ce sens.
En matière d’innovation, le G5 Santé recommande de positionner la France en tant que le leader européen de l’innovation en santé. Parmi ses propositions, il encourage l’élaboration d’une Stratégie nationale de recherche et d’innovation en santé, le renforcement de la R&D publique et privée, la pérennisation du Crédit d’impôt recherche, la protection de la propriété intellectuelle, ainsi que l’optimisation de leviers clés comme le Health Data Hub et les banques d’échantillons biologiques humains dans un cadre européen.

Parmi les nombreux défis à relever, il y a également celui des ressources humaines et des métiers émergents. Comment embarquer tout le monde dans la transformation ? Avez-vous un retour d’expérience à partager au sein du LFB ?

La gestion des ressources humaines est un enjeu clé à aborder sur trois axes. Tout d’abord, les formations doivent évoluer pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises et de l’industrie. Aujourd’hui, une part importante de nos ressources est dédiée à former nos collaborateurs aux métiers de la bioproduction. Ensuite, le nombre de personnes formées doit correspondre à la dynamique de réindustrialisation en France, où la demande croît, parfois, en concurrence avec d’autres secteurs industriels. Enfin, la localisation géographique de nos sites soulève la question de l’attractivité des territoires. Pour y répondre, nous avons établi des collaborations avec les universités, organismes de formation et administrations locales et nous organisons, chaque année, plus d’une vingtaine d’évènements avec nos écoles partenaires. Des actions sont également menées avec nos partenaires du G5 Santé et le Leem afin de sensibiliser les pouvoirs publics à l’importance d’harmoniser les compétences requises avec l’offre de formation disponible.
Une étape clé a été la construction de notre marque employeur : « Plus qu’une entreprise, une aventure humaine au service des patients ». Pour accompagner notre croissance, nous recrutons en CDI et CDD, tout en favorisant les alternances et stages sur l’ensemble de nos sites en France, y compris dans notre nouvelle usine à Arras.

Les pitchs de start-ups seront un moment fort de ce congrès. Comment ces pépites contribuent-elles à l’innovation au sein du LFB ?

Le site d’Alès du LFB est une CDMO (Contract development and manufacturing organization) qui met à disposition ses capacités d’innovation et de développement de biomédicaments auprès de ses clients, principalement des startups et biotechs françaises. Ces entreprises, souvent à la pointe de l’innovation technologique, bénéficient de l’expertise du site d’Alès pour développer et industrialiser leurs produits. Le pôle innovation du site est à l’avant-garde de technologies de bioprocédés et analytiques afin de fournir une plateforme optimisée et accessible. Actuellement, les équipes travaillent sur des technologies innovantes comme la filtration tangentielle en flux continu (SPTFF), qui permet de concentrer et dia-filtrer en un seul passage – et donc en continu. Elles ont également développé des technologies de cultures intensifiées et des alternatives pour la capture des anticorps. Les avancées technologiques et les améliorations dans le domaine de la bioproduction sont constantes, permettant d’optimiser les processus, de réduire les coûts et d’accélérer la mise sur le marché des biomédicaments.
Dans ce contexte, le LFB relève six grands défis dans ses propres productions et celles de ses clients : la sécurité, la qualité, l’isolation et purification des protéines, la stabilité des protéines, les coûts et, enfin, la mise en conformité des installations industrielles aux normes réglementaires en constante évolution.

Quel rôle attribuez-vous à Polepharma et Medicen Paris Région dans cette dynamique de collaboration et d’innovation ?

Polepharma et Medicen Paris Région sont des atouts majeurs pour accélérer le développement de la filière bioproduction. Polepharma est aujourd’hui la première coopération industrielle pharmaceutique en Europe, reliant des territoires d’excellence aux acteurs de la filière industrielle (bio)pharmaceutique française. Le cluster joue un rôle structurant dans l’organisation de notre filière. De son côté, le pôle de compétitivité Medicen Paris Région soutient l’émergence et le développement de projets innovants en santé en facilitant les collaborations et en stimulant la dynamique d’innovation en lien avec les institutions locales. L’alliance des pôles au sein d’ENOSIS Santé et les relations fortes avec des clusters comme Polepharma, co-organisateur du Congrès France Bioproduction, garantissent la cohérence des actions nationales avec les priorités de France 2030. Ces deux pôles sont donc complémentaires et interdépendants.

Où en sommes-nous de la reconquête de notre leadership mondial en matière de bioproduction ? Quelles sont les clés de la réussite, selon vous ?

Bien que la France bénéficie d’une image d’excellence en matière de santé, sa position dans la production pharmaceutique s’est dégradée, la plaçant aujourd’hui à la 4ème place en Europe. Pourtant, notre pays possède des centres de recherche de premier plan et des atouts majeurs pour reconquérir son leadership mondial. Le plan Innovation Santé 2030 continue de soutenir la recherche via les Programmes et Équipements Prioritaires de Recherche (PEPR) et l’industrialisation des produits de santé sur le territoire français, afin de favoriser la croissance des entreprises du secteur.
Les pouvoirs publics doivent également maintenir des conditions propices à l’émergence, au développement et à l’industrialisation des innovations en santé en France. Cela implique de faciliter l’accès au financement, au marché, et de simplifier les normes et réglementations dans un contexte de compétitivité mondiale. Actuellement, de nombreuses innovations françaises rencontrent un meilleur accueil à l’étranger, démontrant la nécessité d’améliorer l’écosystème national d’innovation.

En quoi le Congrès France Bioproduction vous semble-t-il créer un Momentum pour la filière et cet enjeu de reconquête ?

Actuellement, un médicament sur deux lancé sur le marché est un biomédicament, et cette tendance va s’accentuer, préfigurant un avenir où la majorité du marché pharmaceutique sera dominée par les produits biologiques. Il est donc crucial de s’armer collectivement pour relever ce défi. Bien que les entreprises soient en concurrence, fédérer les acteurs de la bioproduction est essentiel, car les défis sont communs et les solutions émergeront de l’intelligence collective.
Le Congrès France Bioproduction joue un rôle central dans cette dynamique de reconquête, permettant à l’industrie française de viser à retrouver sa place de leader en Europe, tout en apportant une meilleure visibilité aux enjeux et défis de la filière.

Qu’est ce qui fera la réussite du Congrès France Bioproduction 2025 et quelles évolutions seraient souhaitables, selon vous, pour les prochaines éditions ?

Nous serons présents en force au Congrès France Bioproduction 2025 pour diffuser un message fédérateur, car la réponse à nos enjeux – encore une fois – ne pourra être que collective. Le message reste inchangé : l’union fait la force, et nous continuerons à le promouvoir avec pour objectif de renforcer notre souveraineté sanitaire et industrielle.
Le succès du congrès pourra être mesuré par plusieurs indicateurs, notamment le nombre de participants, la proportion de biotechs et de startups présentes pour explorer des opportunités, et la participation des pouvoirs publics, qui démontrera leur intérêt pour notre filière. Nous ferons un bilan, à l’issue de l’événement, pour identifier les axes d’amélioration pour les futures éditions, afin de renforcer continuellement l’organisation et maximiser l’impact du Congrès France Bioproduction !

Les signaux sont donc positifs pour l’avenir du LFB et de la filière bioproduction ?

Effectivement, le financement de nos projets et leur mise en œuvre se portent bien, mais avec l’objectif gouvernemental de rééquilibrer les comptes publics, nous suivons de près les débats autour d’une éventuelle révision du Crédit d’Impôt Recherche (CIR). Ce dispositif, crucial pour les industriels, startups et biotechs investissant dans l’innovation, bénéficie également à leurs prestataires. Toute réduction du CIR pourrait affecter l’écosystème global, notamment la demande de production de lots auprès des CDMOs.
D’autres sujets clés à améliorer concernent la préservation de la durée d’exploitation des brevets, le financement privé des startups et des biotechs, ainsi que l’accès au marché pour les médicaments. La dynamique de réindustrialisation doit se poursuivre pour que la France regagne sa place de leader dans la production de produits de santé et devienne un acteur majeur de l’innovation en santé. Il est aussi important que les entreprises françaises fassent davantage confiance aux capacités locales, car beaucoup produisent encore à l’étranger malgré les compétences et infrastructures présentes en France.
Nous restons confiants dans la capacité de la filière à se structurer et nous encourageons chaque acteur à y contribuer. Notre projet à Alès permettra à davantage de startups et de biotechs françaises de développer leurs biomédicaments en France, y compris de produire leurs lots commerciaux, au bénéfice de notre souveraineté sanitaire et des patients soignés dans les hôpitaux en France.

Propos recueillis par Marion Baschet Vernet